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Numéricoeur, le blog coups de coeur des médiathèques du Bouchonois
5 décembre 2011

L'heure présente : la poésie au bord des lèvres

bonnefoyYves Bonnefoy est un des plus grands funambules si le poète est celui qui marche dans le vide laissé par le désastre dont nous cherchons encore les mots justes pour dire les maux injustes, infligés et reçus dans le silence. C'est un alpiniste qui grimpe depuis longtemps le long d'une paroi aride vers des sommets dégagés du brouillard. On dirait un magique insecte, sublime scarabée, à l'ascension d'une statue de Giacometti. Cette montagne invraisemblable, à l'instar de celle du Mont Analogue, de Daumal, à laquelle on ne parvient que par une forme d'inattention qui nous jette dans le visible d'un monde invisible, est celle du sens et de la valeur d'une image. Depuis plus d'un demi-siècle, comme un sculpteur qui revient aux mêmes gestes, Yves Bonnefoy déplie cette notion, l'éviscère, pour retrouver ses fondements et reconstituer son mystère...
Le présent est rare. Et si l'art permet le raccourci pour retrouver une image qui resurgit vers la surface du présent, Yves Bonnefoy nous rappelle que les ravins du factice sont là à chaque pas puisque, comme il l'écrit en page 81, "L'éclair, une illusion/Même l'éclair".

Le dernier recueil d'Yves Bonnefoy, L'Heure présente, comprend une série d'hommages ou de paraphrases qui constitue un ensemble de notes pour les pages anciennes d'une oeuvre qui s'achève. Parmi celles-ci, dans la section "Pour mieux comprendre", "Il descend de cheval" renvoie au classique chinois de Wang Wei "Adieu"... ou sans doute à l'adaptation de celui-ci que Mahler a mise en musique et qui conclut son Lied von der Erde

C'est peut-être la preuve qu'il n'est pas vain de chercher dans l'oeuvre de Bonnefoy des échos de "l'Abschied" de Mahler.  Je pense au long et beau poème qui ouvre Ce qui fut sans lumière : ici, comme là, le passage dans le cours du texte à la troisième personne (liée chez Mahler à la soudure des textes qu'il utilise et au début, justement, de la pièce de Wang Wei) ; le redoublement "Je vais" (comme le "Ich gehe" du chant) ; l'adresse à la terre ; ce mot "adieu" qui sonne ; et, aussi, la flûte qu'on entend dans les deux derniers vers :

...Et résonne encore la flûte
Dans la fumée des choses transparentes.

Mais, ici, ce n'est plus le crépuscule, il fait nuit. L'adieu, il semble qu'il a été donné à la terre elle-même ;  et le poète n'en possède plus que le souvenir, dans la répétition du rêve.

 

L'Heure Présente, Yves Bonnefoy, Mercure de France, 2011

Voir le document sur le catalogue en cliquant ici


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